
Nous vous proposons le message du Pape François pour le Carême de cette année, qui commence aujourd'hui, 17 février, mercredi des Cendres.
Message du Saint-Père pour le Carême 2021
« Maintenant, nous montons à Jérusalem… » (Mt 20,18).
Le Carême : un temps pour renouveler la foi, l’espérance et la charité.
Chers frères et sœurs,
Lorsque Jésus annonce à ses disciples sa passion, sa mort et sa résurrection, pour accomplir la volonté du Père, il leur révèle le sens profond de sa mission et les exhorte à se joindre à lui, pour le salut du monde.
En parcourant le chemin du Carême, qui nous mènera aux célébrations de Pâques, nous nous souvenons de Celui qui « s’est humilié lui-même, se rendant obéissant jusqu’à la mort, même jusqu’à la mort de la croix » (Ph 2, 8). En ce temps de conversion, nous renouvelons notre foi , nous étanchons notre soif avec « l’eau vive » de l’espérance et nous recevons avec un cœur ouvert l’amour de Dieu qui fait de nous des frères et sœurs en Christ. La nuit de Pâques, nous renouvellerons les promesses de notre baptême, pour renaître comme des hommes et des femmes nouveaux, grâce à l’œuvre de l’Esprit Saint. Mais l’itinéraire du Carême, comme tout le chemin chrétien, est déjà sous la lumière de la Résurrection, qui anime les sentiments, les attitudes et les décisions de ceux qui désirent suivre le Christ.
Le jeûne, la prière et l’aumône , tels que Jésus les présente dans sa prédication (cf. Mt 6, 1-18), sont les conditions et l’expression de notre conversion. Le chemin de pauvreté et de privation ( le jeûne ), le regard et les gestes d’amour envers l’homme blessé ( l’aumône ) et le dialogue filial avec le Père ( la prière ) nous permettent d’incarner la foi sincère, l’espérance vivante et la charité active.
1. La foi nous appelle à accueillir la Vérité et à être témoins, devant Dieu et devant nos frères.
En ce temps de Carême, accueillir et vivre la Vérité qui s’est manifestée dans le Christ signifie avant tout se laisser accueillir par la Parole de Dieu, que l’Église nous transmet de génération en génération. Cette Vérité n’est pas une construction de l’intellect, destinée à quelques esprits choisis, supérieurs ou illustres, mais c’est un message que nous recevons et pouvons comprendre grâce à l’intelligence du cœur, ouvert à la grandeur de Dieu qui nous aime avant que nous-mêmes en ayons conscience. Cette Vérité, c’est le Christ lui-même qui, assumant pleinement notre humanité, est devenu le Chemin – exigeant mais ouvert à tous – qui conduit à la plénitude de la Vie.
Le jeûne, vécu comme une expérience de privation , conduit, pour celui qui le vit avec simplicité de cœur, à redécouvrir le don de Dieu et à comprendre notre réalité de créatures qui, à son image et à sa ressemblance, trouvent leur accomplissement en Lui. En faisant l’expérience d’une pauvreté acceptée, ceux qui jeûnent deviennent pauvres avec les pauvres et « accumulent » la richesse de l’amour reçu et partagé. Ainsi compris et mis en pratique, le jeûne contribue à aimer Dieu et son prochain dans la mesure où, comme nous l'enseigne saint Thomas d'Aquin, l'amour est un mouvement qui focalise l'attention sur l'autre, le considérant comme sien (cf. Lettre encyclique Fratelli tutti , 93).
Le Carême est un temps pour croire , c’est-à-dire pour recevoir Dieu dans notre vie et lui permettre de « résider » en nous (cf. Jn 14, 23). Jeûner signifie libérer notre existence de tout ce qui nous dérange, même de la saturation d’informations – vraies ou fausses – et de produits de consommation, pour ouvrir les portes de notre cœur à Celui qui vient à nous pauvre en tout, mais « plein de grâce et de vérité » (Jn 1, 14) : le Fils de Dieu le Sauveur.
2. L’espoir comme « eau vive » qui nous permet de continuer notre chemin
La Samaritaine, à qui Jésus demande de lui donner à boire au puits, ne comprend pas bien quand il lui dit qu’il pourrait lui offrir « de l’eau vive » (Jn 4, 10). Au début, naturellement, elle pense à l’eau matérielle, tandis que Jésus fait référence à l’Esprit Saint, celui qu’il donnera en abondance dans le mystère pascal et qui nous insuffle l’espérance qui ne déçoit pas. En annonçant sa passion et sa mort, Jésus annonce déjà l’espérance, lorsqu’il dit : « Et le troisième jour il ressuscitera » (Mt 20, 19). Jésus nous parle de l’avenir que la miséricorde du Père a ouvert en grand. Attendre avec Lui et Lui rendre grâce signifie croire que l’histoire ne s’arrête pas avec nos erreurs, nos violences et nos injustices, ni avec le péché qui crucifie l’Amour. Cela signifie nous remplir du pardon du Père dans son Cœur ouvert.
Dans le contexte actuel d’inquiétude dans lequel nous vivons et où tout semble fragile et incertain, parler d’espoir pourrait sembler une provocation. Le temps du Carême est fait pour attendre, pour tourner notre regard vers la patience de Dieu, qui continue à prendre soin de sa Création, alors que nous la maltraitons souvent (cf. Lettre encyclique Laudato si' , 32-33 ; 43-44). C’est l’espérance dans la réconciliation, à laquelle saint Paul nous exhorte avec passion : « Laissez-vous réconcilier avec Dieu » (2 Co 5, 20). En recevant le pardon, dans le sacrement qui est au cœur de notre processus de conversion, nous devenons nous aussi des dispensateurs de pardon : l’ayant accueilli nous-mêmes, nous pouvons l’offrir, en sachant vivre un dialogue attentif et en adoptant un comportement qui réconforte ceux qui sont blessés. Le pardon de Dieu, également à travers nos paroles et nos gestes, nous permet de vivre une Pâques de fraternité.
Pendant le Carême, nous sommes plus attentifs à « dire des paroles d’encouragement, qui réconfortent, qui fortifient, qui consolent, qui stimulent », plutôt que « des paroles qui humilient, qui attristent, qui irritent, qui rabaissent » (Lettre encyclique Fratelli tutti [FT], 223). Parfois, pour donner de l’espoir, il suffit d’être « une personne aimable, qui met de côté ses angoisses et ses urgences pour prêter attention, pour donner un sourire, pour dire un mot qui stimule, pour rendre possible un espace d’écoute au milieu de tant d’indifférence » (ibid., 224).
Dans le recueillement et le silence de la prière , l’espérance nous est donnée comme inspiration et lumière intérieure, qui éclaire les défis et les décisions de notre mission : c’est pourquoi il est fondamental de nous recueillir dans la prière (cf. Mt 6, 6) et de trouver, dans l’intimité, le Père de la tendresse.
Vivre un Carême avec espérance signifie sentir qu’en Jésus-Christ nous sommes témoins du temps nouveau, dans lequel Dieu « fait toutes choses nouvelles » (cf. Ap 21, 1-6). C’est recevoir l’espérance du Christ qui a donné sa vie sur la croix et que Dieu a ressuscité le troisième jour, « toujours prêt à vous défendre, avec toute l’humanité, devant quiconque vous demande raison de l’espérance qui est en vous » (cf. 1 P 3, 15).
3. La charité, vécue en suivant les traces du Christ, en faisant preuve d’attention et de compassion envers chaque personne, est la plus haute expression de notre foi et de notre espérance.
La charité se réjouit de voir l’autre grandir . C'est pourquoi il souffre quand l'autre est en détresse : seul, malade, sans abri, méprisé, dans une situation de besoin... La charité est l'élan du cœur qui nous fait sortir de nous-mêmes et qui fait naître le lien de coopération et de communion.
« Sur la base de « l’amour social », il est possible d’avancer vers une civilisation de l’amour à laquelle nous pouvons tous nous sentir appelés. La charité, avec son dynamisme universel, peut construire un monde nouveau, car elle n'est pas un sentiment stérile, mais la meilleure voie pour parvenir à des voies de développement efficaces pour tous" (FT, 183).
La charité est un don qui donne un sens à notre vie, grâce auquel nous considérons ceux qui sont privés des choses les plus nécessaires comme un membre de notre famille, un ami, un frère. Le peu que nous avons, si nous le partageons avec amour, ne finit jamais, mais se transforme en une réserve de vie et de bonheur. C'est ce qui arriva avec la farine et l'huile de la veuve de Sarepta, qui donna du pain au prophète Élie (cf. 1 Rois 17, 7-16) ; et avec les pains que Jésus bénit, rompit et donna aux disciples pour qu'ils les distribuent au peuple (cf. Mc 6, 30-44). C’est ce qui arrive à nos aumônes, grandes ou petites, si nous les donnons avec joie et simplicité.
Vivre un Carême de charité signifie prendre soin de ceux qui se trouvent dans des conditions de souffrance, d’abandon ou de détresse à cause de la pandémie de COVID-19. Dans un contexte si incertain quant à l’avenir, rappelons-nous la parole que Dieu adresse à son Serviteur : « N’aie pas peur, car je te délivrerai » (Is 43, 1), et avec notre charité nous offrons une parole de confiance, afin que l’autre sente que Dieu l’aime comme un enfant.
« Ce n’est qu’avec un regard dont l’horizon est transformé par la charité, qui le conduit à percevoir la dignité de l’autre, que les pauvres sont découverts et valorisés dans leur immense dignité, respectés dans leur propre style et culture et, par conséquent, véritablement intégrés dans la société » (FT, 187).
Chers frères et sœurs : chaque étape de la vie est un temps pour croire, espérer et aimer. Cet appel à vivre le Carême comme un chemin de conversion et de prière, et à partager nos biens, nous aide à reconsidérer, dans notre mémoire communautaire et personnelle, la foi qui vient du Christ vivant, l’espérance animée par le souffle de l’Esprit et l’amour, dont la source inépuisable est le cœur miséricordieux du Père.
Que Marie, Mère du Sauveur, fidèle au pied de la croix et au cœur de l’Église, nous soutienne de sa présence attentionnée, et que la bénédiction du Christ ressuscité nous accompagne sur le chemin vers la lumière pascale.
Rome, Saint Jean de Latran, 11 novembre 2020, mémoire de Saint Martin de Tours.
François