
« Qui sont les autres que je devrais aimer ? » (Luc 10:29)
Il y a des choses qui, sur le papier, semblent tout à fait acceptables et tout à fait normales. Cependant, lorsqu’il s’agit de le mettre en pratique, nous ne sommes parfois pas aussi clairs. La première prémisse que nous, chrétiens, devons comprendre est que Dieu nous aime et que cet amour n’est pas seulement une relation à double sens entre Lui et nous, mais multidirectionnelle : de nous vers Lui et, en même temps, vers notre prochain. Ce voisin, c'est celui que nous avons parfois du mal à reconnaître. C'est facile pour nous s'il s'agit de quelqu'un de proche, et souvent nous devons ajouter que nous l'aimons bien. Mais si le prochain est quelqu’un que nous ne connaissons pas ou avec qui nous ne sommes pas d’accord, la possibilité de reconnaître en lui un frère ou une sœur devient plus difficile à aimer.
Le pape Benoît XVI a consacré les trois encycliques de son pontificat à trois principes fondamentaux : la foi, l’espérance et la charité. Ce sont les vertus dites théologales, que le Catéchisme de l'Église catholique définit comme celles qui fondent, animent et caractérisent l'œuvre morale du chrétien, informent et vivifient toutes les vertus morales et sont inculquées par Dieu dans l'âme des fidèles pour les rendre capables d'agir comme ses fils (cf. CEC, 1813). C'est pourquoi le pape Benoît XVI affirme que l'amour dont Dieu nous rassasie, nous devons le communiquer aux autres (cf. Deus Caritas est , 1).
L’amour n’est pas égoïste. Nous sommes parfois égoïstes, en le mettant en pratique avec arrogance. L’amour aime être réciproque, mais ce n’est pas une condition de départ, car l’amour n’est souvent pas réciproque avec l’amour. N’est-ce pas le cas de Jésus de Nazareth, dont l’amour a souvent été répondu par des trahisons ou des complots contre lui ? Aimons-nous être aimés ou aimons-nous parce que nous voulons étendre l’amour que nous recevons de Dieu à notre prochain ?
Dieu nous a aimés le premier et continue toujours à nous aimer le premier, sans attendre notre réponse pour le faire. Nous pouvons aussi lui répondre avec amour. Mais Dieu ne nous impose pas un sentiment que nous ne pouvons pas éveiller en nous-mêmes. Il nous aime et nous fait voir et expérimenter son amour, et de ce « devant » de Dieu, l’amour peut aussi naître en nous comme réponse (cf. Deus Caritas est , 17).
Un amour qui n’est pas partagé à ses débuts, s’il persévère, s’il n’abandonne pas, peut donner naissance à une correspondance, et c’est souvent notre relation avec Dieu. Il nous aime toujours et nous ne l’aimons pas toujours en retour. Nous ne le faisons pas lorsque nous n’aimons pas notre prochain librement, à la manière de Dieu.
+ Frère Octave,
évêque de Gérone