
«Celui qui n'est pas contre nous est pour nous» (Mc 9, 40)
Avec nous ou contre nous, il ne nous est pas difficile de considérer les uns comme les nôtres et les autres comme des adversaires ou des ennemis. La dynamique de notre société a tendance à nous fermer aux autres et même à les transformer en danger, en risque, en menace. L’ignorance engendre souvent la méfiance, ce qui peut conduire à la peur et à la réaction d’hostilité, voire de haine. Nous, croyants, partons d’une prémisse consubstantielle à notre foi, à savoir que toute l’humanité vient d’un seul Dieu dès la création, et qu’avec le Christ nous sommes tous devenus frères. Nous partageons tous cela, mais parfois nous le faisons à un niveau purement théorique, et lorsqu’il s’agit d’appliquer cette prémisse à la réalité concrète, notre réaction est complètement différente.
Notre monde – la société dans laquelle nous vivons – fait souvent preuve d’une attitude collective de rejet, et parfois d’hostilité pure et simple, envers ceux qui viennent d’autres parties du monde. Ce sentiment vient de l’ignorance de l’autre, et est souvent dirigé par des intérêts particuliers pour éveiller ce sentiment de menace qui nous envahit fréquemment. Nous pouvons en venir à considérer les nouveaux arrivants comme la source de tous nos maux : chômage, criminalité ou manque de logement. Ce « j’étais un étranger et vous m’avez accueilli » (Mt 25, 35) dont parle Jésus – et que nous partageons avec notre cœur – souffre, lorsqu’il s’agit de le concrétiser, de certaines concrétisations qui peuvent même le déformer et l’annuler.
Dieu a créé le monde et, avec lui, des ressources suffisantes pour que toute l’humanité puisse se nourrir et vivre dignement. Au fil des siècles – et même très vite – ces ressources ont cessé d’appartenir à tous de manière égale et certains, quelques-uns, ont fini par en posséder beaucoup, tandis que d’autres, la majorité, ont fini par n’avoir presque rien. La richesse et la pauvreté, la faim et la pauvreté, la santé et la maladie ne sont pas réparties de manière égale, et c’est pourquoi de nombreuses personnes, même si leur pays dispose de suffisamment de ressources naturelles pour bien vivre, doivent tout laisser derrière elles et risquer leur vie pour chercher le strict minimum ailleurs. L’impossibilité de mener une vie digne, que ce soit pour des raisons économiques ou politiques, pousse des millions de personnes à l’exode et souvent même à la mort. Mais il semble que nous nous y soyons habitués, et nous tournons la page du journal ou changeons de chaîne de télévision pour éviter que cette tragédie n'atteigne nos yeux ou notre cœur. Nous avons également oublié qu’il n’y a pas si longtemps, nous étions nous aussi des émigrants ou des exilés en masse. Nous devenons souvent aveugles, sourds et muets face à la souffrance des autres. Peut-être que Jésus nous dirait que ceux qui frappent aux portes de notre monde ne sont pas contre nous et que, par conséquent, ils sont avec nous.
+ Frère Octave,
évêque de Gérone